L’Agroécologie : le futur audacieux de l’Afrique



Il est temps de reconnaître que l’agroécologie est le futur de l’agriculture en Afrique !

Déclaration de la Société civile africaine à la réunion régionale sur l’agroécologie pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique, organisée par la FAO en octobre  2015

L’agriculture industrielle est une voie sans issue.

On lui attribue des rendements extraordinaires par endroits, mais elle l’a fait à un coût énorme, comprenant des dommages considérables pour le sol, une perte énorme de la biodiversité, et un impact négative sur la nutrition, la souveraineté alimentaires et les ressources naturelles.

L’agroécologie est l’antithèse du système agricole conventionnel.

À bien des égards, l’agroécologie est l’antithèse du système agricole conventionnel actuel axé sur l’entreprise et fondé sur la monoculture.

En effet, là où l’agriculture conventionnelle cherche à simplifier, l’agroécologie embrasse la complexité.

Là où l’agriculture conventionnelle menace la biodiversité, l’agroécologie accepte la diversité et construit là-dessus.

Là où l’agriculture conventionnelle transforme les paysans en ouvriers sans qualification, l’agroécologie renforce et valorise le savoir et les pratiques agricoles traditionnelle adossés à la recherche et à la technologie moderne, qui renforcent les capacités des paysans petits producteurs de l’agriculture familiale.

Là où l’agriculture conventionnelle est fondée sur des solutions « prêt-à-porter » à taille unique comme les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), les engrais, les pesticides et les herbicides de synthèse, l’agroécologie apporte des solutions locales aux problèmes locaux.

Là où l’agriculture conventionnelle pollue et dégrade, l’agroécologie régénère et restaure, en travaillant avec la nature et non pas contre elle.

Avec l'agriculture industrielle, les agriculteurs dépendent  fortement des intrants externes. 

Et  elle a sapé leur capacité de résilience, en particulier face au changement climatique. Les nouvelles technologies continuent d’émerger, mais elles ne traitent, pour la plupart, que les symptômes des problèmes engendrés par l’agriculture industrielle elle-même. Le génie génétique en est un exemple pertinent.

L’agroécologie, c’est le voyage que l’agriculture africaine doit entreprendre.

C’est un voyage vers l’enrichissement de la vie du sol, vers l’augmentation et la conservation de la biodiversité, vers le renforcement de l’innovation paysanne, le développement et le partage des connaissances, et vers des niveaux les plus élevés de sécurité nutritionnelle.

Nous ne disons pas que cette vision peut être réalisée du jour au lendemain. Loin de là!

C’est un voyage, une transition.

Les agriculteurs qui utilisent actuellement les pratiques de la révolution verte et qui sont dépendants des intrants externes ne peuvent, hélas, pas arrêter immédiatement de les utiliser. Le changement doit être graduel.

L’agroécologie part de l'existant.

Elle traite le sol comme un organisme vivant tout en profitant de l’incroyable travail de milliers de milliards de micro-organismes.

Elle contrôle les ravageurs par des pratiques naturelles qui renforcent la biodiversité et favorise le développement des connaissances au niveau local.

La plus forte résistance à l’agroécologie vient des intérêts de l’agro-business ...

Notamment les fabricants d’engrais, de produits agro-chimiques et les fournisseurs de biotechnologie, qui se servent de la rhétorique du « nourrir le monde » pour augmenter leurs profits par la vente des intrants.

Pendant presque un siècle, des efforts considérables ont été consentis pour développer des pratiques agricoles industrielles. Des milliards de dollars ont été investis dans cela, financés en grande partie par des firmes dont la recherche a été remboursée plusieurs fois par la vente des intrants agricoles.

Le dilemme de l’agroécologie est qu’elle ne propose pas de tels retours sur investissement, de sorte que le monde de l’entreprise n’est pas intéressé à la soutenir ni à travailler en sa faveur.

L’Afrique s'engage-t-elle sur la voie de l’agriculture industrielle parce qu'il y a de l’argent sur la table ?

Ceci est une question cruciale pour les décideurs politiques à travers le continent. Il est temps pour l’Afrique d’inventer des solutions à long terme plutôt que des solutions à court terme, qui ne permettent au mieux que de traiter les symptômes. 

Les décideurs politiques africains auront-ils assez d’audace pour embrasser la solution durable? Ou vont-ils attendre jusqu’à ce qu’il soit trop tard, jusqu’à ce que les sols soient épuisés, la biodiversité dévastée, les problèmes nutritionnels en pleine augmentation, et que les agriculteurs dépendent des intrants et des savoirs venant l’extérieur ? 

Pendant de nombreuses années, on a considéré l’agroécologie comme marginale et idéaliste.

Régulièrement et sûrement, l’agroécologie a gagné en reconnaissance, du fait que les gens en sont venus à reconnaître qu’il est la voie durable à prendre.

Le rapport du Symposium international de la FAO en 2014 a reconnu que pour pleinement adopter l’agroécologie, nous devons maintenant passer à l’étape difficile de re-conception de nos politiques et programmes.

Pour faire cette importante transition, les actions suivantes sont nécessaires :

> Intégrer l’agroécologie dans les politiques, plans et programmes tant régionaux que nationaux;

> Amener davantage de chercheurs à s’impliquer dans une recherche diversifiée, travaillant main dans la main avec les paysans, aux fins de comprendre le potentiel, les défis et les opportunités qu’offre l’agroécologie;

> Arrêter toute subvention à l’agriculture industrielle et octroyer davantage de moyens à l’agroécologie;

> Soutenir des systèmes semenciers communautaires, véritable point de départ de la sécurité alimentaire et de la nutrition;

> Donner une plus grande reconnaissance au savoir et à l’innovation indigènes, en les intégrant dans les initiatives agricoles;

> Intégrer l’agroécologie dans la fourniture des services d’appui agricole et renforcer la méthode d’apprentissage de paysan-à-paysan et la mise à l’échelle des pratiques innovantes réussies;

> Élever la conscience des consommateurs sur les avantages nutritionnels de l’agroécologie;

> Intégrer l’agroécologie dans les curricula à tous les niveaux de formation, en particulier dans le tertiaire, en collaboration avec les universités et les grandes écoles;

> Soutenir le développement continu de technologies permettant d’économiser la main-d’œuvre;

> Mettre l’accent sur le développement local de systèmes alimentaires durables et non des «chaînes de valeur», qui capturent et retiennent en otage de nombreux acteurs comme seule peut le faire une chaîne.

> Stimuler et soutenir les petites entreprises au sein de tout système alimentaire, afin qu’elles participent à la transition vers l’agroécologie.

Nous en appelons à la conscience des gouvernements et des décideurs...

Nous en appelons à la conscience des gouvernements et des décideurs pour qu’ils reconnaissent et valorisent l’énorme potentiel de l’agroécologie à accroître durablement la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire, en réduisant la pauvreté et la faim, tout en préservant la biodiversité et en respectant le savoir et l’innovation indigènes. 

Nous en appelons à la conscience de nos partenaires au développement pour qu’ils réorientent leurs ressources vers l’agroécologie. Nous en appelons à la conscience des chercheurs pour qu’ils recentrent leurs études sur l’agroécologie. 

Dans un monde menacé par le changement climatique du fait de l’homme, par la dégradation de l’environnement, par la faim et la pauvreté; dans un monde engagé pour des objectifs ambitieux de développement durable et d’élimination progressive des combustibles fossiles; le moment est venu de mettre un terme aux systèmes alimentaires fonctionnant comme si de rien n’était, et hardiment commencer le voyage vers l’agroécologie, le futur de l’agriculture en Afrique.

Approuvé par :

  1. African Biodiversity Network (ABN)
  2. African Center for Biodiversity (ACB)
  3. CICODEV
  4. Coalition for the Protection of African Genetic Heritage (COPAGEN)
  5. Comparing and Supporting Endogenous Development (COMPAS)
  6. Eastern and Southern Africa Farmers’ Forum (ESAFF)
  7. Fahamu Africa
  8. Fellowship of Christian Councils and Churches in West Africa (FECCIWA)
  9. Friends of the Earth Africa (FoEA)
  10. Global Justice Now
  11. GMO-Free Malawi
  12. GPA- Growth Partners Africa
  13. Groundswell Africa
  14. Health of Mother Earth Foundation (HOMEF)
  15. IED Afrique
  16. ILEIA
  17. INADES Formation
  18. Indigenous Peoples of Africa Coordinating Committee (IPACC)
  19. Jeunes Volontaires pour l’Environnement (JVE International)
  20. KeFRA -Kenya Food Rights Alliance
  21. La Via Campesina (LVC)
  22. Lukwe Forest Gardens
  23. Network of Farmers’ and Agricultural Producers’ Organizations of West Africa (ROPPA)
  24. Never Ending Food
  25. Participatory Ecological Land Use Management (PELUM Association)
  26. Plate-forme Régionale des Organisations Paysannes d’Afrique Centrale (PROPAC)
  27. Réseau africain pour le droit à l’alimentation (RAPDA – Togo)
  28. Rural Women’s Assembly (RWA)
  29. Society for International Development (SID)
  30. Southern African Faith Communities’ Environment Institute
  31. Tanzania Alliance for Biodiversity (TABIO)
  32. Thantwe Permaculture
  33. The Glass House Sustainability Centre, Blantyre Malawi
  34. Union Africaine Des Consommateurs (AUC)
  35. USC Canada
  36. World Neighbors