Georges Defour

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Fondateur du Mouvement Xaveri, Secrétaire académique de l'ISDR Bukavu, Centre Bandari, CERDAF - Centre de recherche & Documentation Africaine...

Verviers, 30/12/1913 - Liège 21/08/2012 - 99 ans.  

Depuis le 1er septembre 2012, il repose au Centre Bandari à Bukavu - Sud-Kivu - RD Congo

Texte de Jef Vleugels, Missionnaire d'Afrique - Le Père Georges Defour

Sa vie

Georges Defour est né à Verviers le 30 décembre 1913. Après une année d’humanités modernes dans un pensionnat laïc à Dolhain, il passe aux gréco-latines chez les Jésuites à Verviers, au collège St-François Xavier.  Georges s’y donne corps et âme au scoutisme.

En 1932 il entre en philosophie à Boechout et poursuit l’année suivante à Glimes. Après le noviciat à Maison-Carrée (1934-1935), il fait ses études de théologie à Heverlee, où il est ordonné prêtre le 30 avril 1939.

En 1942 il termine à Louvain une licence en Sciences Pédagogiques avec grande distinction et une candidature en droit avec distinction.

Entretien avec Georges Defour - 2001

Première nomination : professeur de philosophie à Thy-le-Château, de 1942 à 1945. En 1945 il devient aumônier de l’A.E.P. (Aide aux Enfants du Pays) en Belgique francophone.

Pour son engagement pendant la guerre, entre autres l’organisation d’un poste régional de secours aux sinistrés, il recevra le 6 février 1950 la Médaille de la Résistance et la Médaille Commémorative de la guerre 1940-1945.

Le 11 mai 1946, Georges s’envole pour le Kivu.

Il est nommé professeur à l’Ecole Normale de Nyangezi et responsable de l’Ecole des Mulâtres.

En août 1947, il est nommé directeur-inspecteur de l’Enseignement pour l’Archidiocèse de Bukavu.

Il fonde et dirige le Centre Pédagogique (édition de livres scolaires, d’une revue pour les enseignants, élaboration de programmes, fabrication de matériel didactique…). Le plus célèbre d'entre les manuels scolaires de l'école primaire a été « Mon ami Noé » !

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Le père Hellemans, supérieur régional, écrit : « Inspecte deux fois par an, les écoles et y met le temps. A le souci de promouvoir l’éducation chrétienne dans les écoles. Ses publications ont du succès en dehors du Vicariat ».  

Quelques années plus tard, en 1958, Georges sera distingué de la Médaille d’Or de l’Ordre Royal du Lion, pour 12 ans de direction des écoles au Kivu…

Le Mouvement Xaveri

En septembre 1952, il fonde le Mouvement XAVERI, sans aucun doute l’œuvre de sa vie.

Pour tout ce qui regarde les structures ce mouvement que Georges veut profondément africain s’inspire du scoutisme ; pour l’esprit du mouvement et sa spiritualité, Georges s’est plutôt laissé guider par les Cœurs Vaillant / Âmes Vaillantes et la Croisade Eucharistique. Plus tard, quand le mouvement comprendra des membres adultes, Georges s’inspirera aussi de la JOC.  

Le nom du patron choisi – Saint François-Xavier – souligne le caractère apostolique du Mouvement. En 1955, Mgr Van Steene considère les Xavéris comme le mouvement de jeunesse officiel du diocèse.

A partir de 1957, Georges peut se consacrer à temps plein au Mouvement.  Il compose, édite et diffuse 61 manuels pour les responsables, publie la revue Jeunesse Africaine, le journal Hodari. Il fait plusieurs voyages d’étude dans d’autres pays d’Afrique.

Vers la fin des années 50, le Mouvement s’est répandu dans la plupart des diocèses du Congo. En 1960, le mouvement comptait 35.000 membres au Congo. Il se rendra dans 14 autres pays d’Afrique.

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Le Centre Bandari

En mai 1966 Georges fonde le Centre BANDARI pour la formation des cadres de jeunes.

Il compose et édite un cours par correspondance, sur le plan national et international, pour la formation systématique des responsables de groupes de jeunes.

Il a réalisé les plans d'une superbe chapelle épurée de tout artifice et de forme octogonale où le prêtre et les officiants se trouvent parmi les fidèles sur les gradins, avec l'autel au centre de l'espace. Un symbole qui lui tenait à cœur, de la place du prêtre, être avec et pas au dessus.

Institut Supérieur de Développement Rural - ISDR

En 1974 Georges est chargé de cours en psychologie appliquée à l’Institut Supérieur de Sciences Sociales (ISES) de Bukavu.

En 1976, s’y ajoute le cours de l’histoire des religions à l’Institut Supérieur Pédagogique de Bukavu (ISP). Il publiera son cours sur la religion traditionnelle africaine.

Cette même année, il devient Chevalier de l’Ordre de la Couronne pour les 30 ans de participation à l’œuvre d’enseignement et d’éducation en Afrique Centrale.

En août 1977, Georges est nommé Secrétaire Académique, chargé de transformer l’ISES en Institut de Développement Rural (ISDR). Il est élu membre de la Société des Africanistes de Paris (1977).

Il fonde, au sein de l’ISDR, le Centre d’Etude et d’Expérimentation des Technologie Appropriées -CEETA (1980) et de la Ferme Expérimental du Gai Lapin (1982).

Il devient membre de l’International African Institute de Londres (1980), s’intéresse à l’agroforesterie. Il est nommé membre du Bureau Régional pour la Protection de l’Enfance et de la Jeunesse au Kivu et fait un long voyage d’étude aux Etats-Unis (1984).

Il fonde à l’ISDR, l’Atelier de Production des Technologies Appropriées - ATEPRO (1985).

Le 10 juillet 1986, il réussit avec distinction à 73 ans, son doctorat en pédagogie à l’Université de Kisangani.

Le 1er novembre 1986, il est nommé Secrétaire Général Académique de l’ISDR, fonction qu’il occupera jusqu’en 1994.

 

ISDR - Remise de Licence -1993

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Il est promu, en avril 1988, Officier de l’Ordre de la Couronne.

Il assure les cours suivants en 1re et 2e licence à l’ISDR : analyse critique des théories du développement rural ; recherche-action ; anthropologie africaine et développement rural ; andragogie et développement rural.

Disposant d'une fortune personnelle, il finança la construction de 3 antennes de développement rural et les bourses étudiants pour leur permettre de se confronter à la réalité du monde rural, d'expérimenter des pratiques agronomiques, surtout d'être au milieu des personnes qu'ils sont censés accompagner dans leur développement.

Programme d'aménagement de sources - 1992

Projet du docteur Charles Schyns, ancien de Bukavu et ami de Georges Defour

Don privé belge - 174€ (7.000 Fb) par source

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Journées du CERPRU

Leadership et développement

ISDR - 27/28 janvier 1992

Ces journées ont été initiées par Georges Defour alors secrétaire académique.

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Humour et l'art de la parole.
Le thème du jour : l'introduction de l'âne comme moyen de soulager les « femmes transporteuses ». Curiosité ? Technologie dépassée ? Ou à effet réel sur les conditions de vie de ces femmes qui transportent une lourde charge sur le dos ?

Le projet ne s'est pas développé, les ânes s'il en reste, sont devenus effectivement des curiosités et aujourd'hui, les femmes continuent à porter de lourdes charges sur leur dos pour même pas un salaire.

Il multiplie les voyages d’étude : Indonésie (1990), Egypte (1991), Chine (1991), Inde et Népal (1992), Thaïlande (1993), au Sri Lanka (1994), Hong-Kong, Taïwan et Corée du Sud (1996)…

En mai 1993, il lance une étude expérimentale portant sur 500 plantes médicinales et vétérinaires du Bushi dont il publiera les résultats en 1995.

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En mars 1994, il fonde le CERDAF - Centre de Recherche et de Documentation Africaine, qui publie depuis 1998 et jusqu’à nos jours, la revue trimestrielle « Recherches africaines ».

Il voulait répondre aux nombreuses sollicitations documentaires des chercheurs et des lecteurs soucieux de parfaire leurs connaissances sur l’Afrique traditionnelle et moderne ou de s’y replonger à la conquête des valeurs anciennes dans la culture et la religion, les coutumes et les techniques de l’Afrique.

Dirigeant des travaux de fin d’études à l’ISDR, il constatait que malgré son insistance, les étudiants négligeaient de tenir compte de la culture, ayant objecté que les bibliothèques de la ville recelaient très peu de livres sur l’Afrique.

Sa conviction profonde est que : « Un arbre ne peut donner ses fruits s’il se coupe de ses racines, que donc toute recherche doit tenir compte de la culture africaine ». Lire l'article CERDAF

Defour, l'éditeur infatigable

Il aura publié plus d'une centaine de livre, carnet, texte. Voici quelques titres :

1987 « Pour une pédagogie du milieu intégral », ouvrage de 488 pages, détaillant entre autres une pédagogie pour un institut supérieur de développement rural.

1990 « Cinq mille proverbes africains pour la Loi des hommes nouveau » (312 pages).

1995 « Eléments d'identification de 400 plantes médicinales et vétérinaires du bushi » 2 volumes

1994 « Le développement rural en Afrique Centrale, Théories et essai d’analyse critique » (350 pages).

2000 « Cours d’andragogie, orientations de base d’un accompagnement à l’autoformation des groupes d’adultes » et « Bulikoko », un recueil de chants offerts aux jeunes.

2007, Georges publie son dernier ouvrage « Les symboles africains dans la vie et le message chrétien » (151 pages), le 106e livre du même auteur.

La vie trépidante et mouvementée de cet apôtre infatigable et du grand voyageur curieux de tout s’arrête d’un coup et brutalement : le 5 mai 2007, préparant ses valises pour venir en congé en Belgique, il fait une chute malencontreuse.

Rapatrié d’urgence, il passera 5 mois interminables à la Clinique St-Michel à Bruxelles.  

Le 4 octobre, il peut enfin s’installer à la Maison de Repos et de Soins St-Joseph à Liège, où il retrouve d’autres confrères. Mais il ne sera plus jamais le Georges d’avant, plein de vie et d’esprit.

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Quelque chose s’est cassé. Il revivait, certes, quand des Xavéris lui rendaient visite ou quand on évoquait devant lui des épisodes vécus à Bukavu, mais il retombait aussitôt dans un état déprimé, plutôt négatif, malheureux, aggravé par le fait que les derniers mois il n’était plus capable de se faire comprendre.

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Le mardi 21 août 2012, Georges s’est éteint doucement.

La célébration eucharistique d’adieu a eu lieu le samedi 25 août 2012 à 10h30 en l’église Saint-Vincent, Place Saint-Vincent, 1140 Evere.

Son corps a été transféré à Bukavu - Sud-Kivu, RD Congo.

1er septembre 2012.  Il est enterré au Centre Bandari, lieu de paix qu'il a créé au service des jeunes et du mouvement xavéri. 

Le père Georges Defour reçut bien de signes de reconnaissance et quantité de médailles dont il était très fier !  

Il fut nominé au Palmes de reconnaissance en 2008. Voir la vidéo de présentation : 081011 Plan Marschall Africa Palmes de...

La ville de Bukavu a honoré sa mémoire en rebaptisant la route qui monte vers le BDOM, la Procure, l'ISDR, l'UCB, le Centre Olame : Avenue R.P. Georges Defour. Un amphithéâtre de l'ISDR porte son nom, une statue à son image en garde l'entrée...

Ce que je lui dois

C'est grâce au Père Georges Defour que j'ai découvert le Sud-Kivu, arrivé fin 1991 à quelques semaines des pillages de septembre. Durant plus d'une année, j'ai rencontré des personnes formidables. Il m'a soutenu dans mes activités de  réalisation audio visuelle. 

Accueilli à la communauté de St Paul pendant un mois au début des années 2000, un matin, sourire aux lèvres, il me montra au petit déjeuner, les textes qu'il avait écrit en remplacement des traditionnelles prières qu'il trouvait ineptes - absurdes, au grand dam de ses confrères qui lui reprochaient de ne pas suivre la règle ... 

Tout en restant fidèle à son engagement de prêtre, il était ouvert à d'autres manières de vivre la foi. A titre d'exemple, il n'hésita pas à engager au CERDAF, Sylvain Mapatano, protestant. Sylvain, aujourd'hui responsable de Diobass au Kivu me raconta son étonnement et admiration pour ce choix assumé du Père Defour, privilégiant humanisme et compétences scientifiques, expériences en recherche action paysanne, à l'appartenance identitaire confessionnelle.

Le Père Georges Defour m'a appris à regarder l'essentiel de ce qui fait vivre, à continuer à être curieux du Monde.