RDC – PAI – Bukanga Lonzo – Zones d’ombre

Suite de la fiche de présentation du Parc agro-industriel de Bukanga Lonz Mise à jour 190206, NB : certains sites web liés au projet ne sont plus actifs ou ont changé d’adresse…

Tout y est tellement formidable ! C’est énorme ce qui est investi et réalisé à Bukanga Lonzo, un travail technique & organisationnel encore rare en RDC. C’est en soi exceptionnel !

Mais, tant d’énergie humaine pour un projet vicieux, celui de l’économie casino au service d’intérêts particuliers des transnationales, des banques et de quelques congolais… Il est important de lire entre les lignes du discours affiché sur les sites d’Africom Commodities et du Parc agro-industriel de Bukanga Lonzo. 

Les valeurs d’Africom Commodities

Voici quelques affirmations qui demanderaient à être illustrées par des exemples concrets de mise en œuvre : Transparence complète – Ultime égalité – Sensibilisation à l’environnement – Nous célébrons la diversité – Nous sommes honnêtes, dignes de confiance et fiables … Vraiment ?

    • Transparence complète. Par rapport à quoi et vraiment complète ? Sur les méthodes agricoles, sur les villages concernés, le choix des investissements industriels, agricoles, sociaux en concertation libre avec la population, les pratiques de soutien des agriculteurs locaux, etc.
    • Ultime égalité. Que veut dire « ultime » et que représente « égalité », par rapport à qui, à quoi ? Les agriculteurs ont-ils le même soutien politique et financier que les « propriétaires » de PAI ?
    • Sensibilisation à l’environnement. De quelle sensibilisation s’agit-il ? De quel environnement parle-t-on ? Pas certain que les monocultures (maïs, soja, haricot, manioc) illustrent l’idée d’une protection de l’environnement quand il est fait usage de no-till, d’irrigation, d’utilisation d’intrants chimiques de toutes sortes, de production industrielle de poulet et de porc, etc.
    • Nous célébrons la diversité. De quelle célébration et diversité s’agit-il lorsqu’il est question de monoculture et d’un seul modèle économique, celle de la fameuse « chaîne de valeur » au service de l’industrie alimentaire, de la dépendance aux fournisseurs OGM et d’intrants ?
    • Nous sommes honnêtes, dignes de confiance et fiables. Qu’est-ce qui est entendu par honnêteté, confiance et fiabilité ? Par rapport à qui et à quoi ? J’imagine que des personnes engagées par Africom Commodities le sont, et en même temps, de par le choix économique – l’industrialisation de l’agriculture qui porte en lui quantités de dysfonctionnement, ces valeurs affichées sont peu crédibles…

Nature des produits agricoles

Peu ou pas d’information sur la nature et l’origine des produits sauf pour ce qui concerne les fournitures de la société Triomf Fertilizer, partenaire d’Africom Commodities.  Africom Commodities est une entreprise sud-africaine.  L’Afrique du Sud est un des plus grands producteurs de maïs transgénique ! African Centre for Biosafety –GM Maize Lessons for Africa PDF 

Le maïs blanc ou jaune est qualifié de « naturel » sans qu’il soit fait mention des caractéristiques liées à ce qualificatif… Naturel ? Sans traitement et compléments ? Pourquoi ajouter « naturel » sans en donner la signification, ceci dans l’idée d’une « transparence complète » ? Curieuse intention marketing alors que Monsanto et consorts voudraient interdire l’indication OGM pour imposer l’idée qu’un produit OGM ou hybride l’est par nature au détriment du droit du citoyen d’être informé sur ce qu’il mangera. Africom Commodities est une entreprise Sud-Africaine. En Afrique du Sud, 80 % du maïs produit est transgénique, il y a de forte chance que le maïs de Bukanga Lonzo soit OGM et/ou hybride ! Voir Maïs, nourriture ou produit financier ?

Les « propriétaires » des parcs agro-industriels

Qui sont les propriétaires et les gestionnaires ? Que sont devenus les agences initiales et les 3 créées en 2015 ?

  1. SOPAGRI – Société de parcs agro-industriels – Objectifs : Assurer la durabilité, l’efficacité et la transparence de ce plan agro-industriel. La SOPAGRI chargée de gérer les sites identifiés et les parcs mis en production, est conçue sur la forme d’un Partenariat public privé (PPP) composé d’institutions multilatérales, d’investisseurs privés et de l’État congolais.
  2. ACTA – Agence congolaise de transformation agricole – Objectifs : Pendant que le projet se développe, la gestion de l’initiative sera transférée à l’ACTA, institution inter-agences en charge de superviser les activités de la SOPAGRI – société des parcs agro-industriels, et de coordonner les activités des ministères concernés, des intervenants et des partenaires au développement.
  3. MOZFOOD & ENERGY Ltd, société enregistrée en Afrique du Sud, engagée par le gouvernement.  Objectifs : Identification des sites potentiels de parcs agro-industriels, pour mener des diagnostics préliminaires à travers la RDC : analyse des sols, disponibilité des ressources suffisantes en eau et potentiel avéré de production agricole. MOZFOOD a également développé des plans d’affaires indicatifs pour chaque site. Ces plans d’affaires comprennent les besoins en infrastructures détaillés, les infrastructures de transformation, le stockage, le marketing et les circuits de distribution.

M&E est inconnu en Afrique du Sud. Il existe bien une société du même nom au Mozambique… Je n’ai pas réussi à trouver le moindre document relatif à la mission de M&E : curieux non ?

Bukanga Lonzo, les propriétaires

23 mars 2015. 3 sociétés en Partenariat Public Privé sont créées.

Ida Kamonji Naserwa Sabangu, Directrice Générale du Parc de Bukanga Lonzo réaffirme que le parc appartient à l’Etat congolais avec une cession de parts à Africom Commodities dans les sociétés de Bukanga Lonzo. Ainsi Africom Commodities RDC SARL détiendrait :

  1. 15% de la Société du Parc Agro-industriel de Bukanga Lonzo SARL : Gestion et aménagement du site / Régulation des activités et de la planification de toutes les activités qui vont s’y dérouler.
  2. 30% de la Société d’Exploitation Agro-industriel de Bukanga Lonzo SARL : Exploitation / Production et aménagement des autres investissements qui parviendront sur le site.
  3. 50% du Marché international de Kinshasa SARL : Distribution, commercialisation des produits agricoles, végétaux, des semences ainsi que la pisciculture.

A quoi s’ajoutent deux entreprises (100% privée ?)

  • 50 % de Jivento SARL En tant que société qui se veut synonyme de génie civil et de développement à travers le continent, Jivento sera idéalement au cœur de tous les projets et en mesure d’être le fournisseur clé ainsi que gérer les entreprises massives qui à leur tour contribueront à atténuer les responsabilités normalement affectées à un gouvernement d’un pays particulier. D’éventuels projets futurs seront les suivants : Logistique Intercontinental / Introduction et établissement de réseaux cellulaires / Infrastructures, notamment la construction de ponts, routes et chemins de fer / Mise en place des alimentations électriques et vertes aux pays et / ou régions / Gestion portuaire
  • 70% de Triomf RDC SARL Une nouvelle installation portuaire dans le port de Boma sur le fleuve Congo accueillera bientôt une usine de production d’engrais ultramoderne. De là, il sera possible de fournir à la RDC des produits TRIOMF FERTILIZER, et fournir également un moyen de transport des matières premières à l’échelle mondiale qui sont nécessaires pour l’expansion du groupe des entreprises déjà sous l’égide d’Africom Commodities.

Trois types d’actionnaires vont devoir constituer ces sociétés à savoir l’Etat congolais, les partenaires Sud-africains d’Africom Commodities (dans le cadre d’un contrat de gestion, en partenariat avec les coopératives constituées avec les communautés villageoises) et le secteur privé congolais. www.primature.cd 

Zones d’ombre  Répartition des charges et des recettes 

    • Comme Africom Commodities a 30% de la Société d’Exploitation Agro-industriel de Bukanga Lonzo SARL, il est à se demander comment la société s’y retrouve elle qui exploite en réalité 100% du site ?
    • Flou quant aux investissements publics et privés réalisés.  Pour éviter toutes rumeurs, il serait intéressant que la situation sur les réalisations et leurs coûts soit publiée régulièrement. C’est un projet pilote, il est intéressant de partager l’information autrement que via les effets d’annonce non structurée mis sur le site web du parc.
    • Flou sur qui fait quoi avec quel budget avec autant de partenaires publics (ministères des Finances, de l’Agriculture, Pêche et Elevage, des Affaires Foncières, de l’Economie et de l’Industrie), les financeurs (Banque mondiale, Organismes de l’ONU – FAO, PNUD, etc.) et les partenaires privés essentiellement Africom Commodities SARL et ses nombreuses filiales et partenaires industriels ?

Une piste d’aviation pour quoi faire ? 

Les « avions tracteurs » ont naturellement besoin d’une piste pour effectuer les épandages de produits chimiques puisque le modèle d’agriculture est celui de l’agro-business ; Matata Ponyo parle dans une interview de Colette Braeckman que la piste permettra de desservir d’autres villes en RDC, d’autres affirment que ce sera pour l’exportation, sans doute voient-ils clair car sinon pourquoi construire une piste d’atterrissage de 2,5 km (!) pour les besoins de la ferme et un atelier d’entretien « aux normes internationales » ! Le soir 140630 Matata Ponyo a remis un pays en ordre de marche & Jeune Afrique 141215 RD Congo Bukanga Lonzo & Le Potentiel 150307

Un Airbus 320 de 78 tonnes au décollage a besoin d’une piste de 1.707 mètres pour décoller… alors dans quel but une piste de 2,5 km à Bukanga Lonzo ?

A environ 6 min.33 de la vidéo, Ida Kamonji Naserwa Sabangu, DG du Parc de Bukanga Lonzo affirme que non seulement la population congolaise va manger le maïs de Bukanga Lonzo (à flot selon le journaliste !) mais que le parc va peut-être exporter parce qu’il y en aura beaucoup  Alors, imaginons un calcul de coin de table avec des estimations très aléatoires voire farfelues : d’un côté, la population de Kinshasa, 10 millions d’hab., 10 kg par habitant par an, soit par an, 100.000 tonnes ; de l’autre côté, Bukanga Lonzo, imaginons 50.000 hectares de maïs à 2 tonnes l’hectare (4 t/ha paraît peu vraisemblable sur le long terme  et quand bien même, il n’y a pas que Kinshasa à nourrir !) = 100.000 tonnes, ceci en admettant que tout le maïs serait vendu alors qu’une partie servira comme aliment pour volaille et porc / bétail. Qui croire ?

La farine de maïs de Bukanga Lonzo, disponible à Kinshasa

  • A environ 1 min. La farine sera distribuée dans les points de vente des 24 communes de Kinshasa, sur les grands marchés et dans les grands dépôts sur les artères de la ville.
  • A environ 1:30. Alors le prix de la farine de Bukanga Lonzo ? La farine est moins chère par rapport à celle qui vient d’ailleurs et depuis que la farine est mise sur le marché, le prix a baissé !
  • A environ 8:25. Le sac de 25 kg est acheté par les distributeurs à 13$ et le prix de vente au consommateur est de 15$. On ne peut pas allez au-delà.

Zone d’ombre 151217 La multiplication des points de vente des produits alimentaires du Parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo à travers la ville de Kinshasa répond à la nécessité de mettre à la disposition de la population des aliments produits localement, à un prix relativement accessible à toutes les bourses. Quelques mois après l’installation de ces cantines populaires, la population se plaint de la hausse des prix de farine de maïs, comparativement aux produits importés. Le sac de 25 kg de maïs blanc, … se vend actuellement à 18.000 Fc (environ 19,8 USD). Le sac de 25 kg de maïs jaune, … se négocie actuellement à 17.000 Fc (environ 18,8 USD). Forum des As La population fustige la hausse des prix de maïs

La population riveraine ou les villages sur le site du parc  

Pour ce qui est de la population riveraine… quelques villages sur le site même du PAI qui ne seront pas déplacés, car le parc va les encadrer pour développer la filière manioc, réservé aux riverains. Le parc devient le premier acheteur de leur production s’ils désirent vendre au parc sinon ils peuvent vendre ailleurs. L’encadrement se fait avec l’équipement, les intrants (semences, boutures améliorées) et les conseils techniques. L’emblavement des terres, la récolte, la transformation sont  mécanisés et réalisé par le parc qui encadre ainsi complètement l’activité des riverains. Le parc refait aussi leurs maisons, leur donne accès à l’eau et à l’électricité.

Zone d’ombre Partenariat avec les coopératives des communautés villageoises ? De quels villages, combien ? Quel type de partenariat ? Les villageois deviendraient de fait, des indépendants sous contrat ?

150402 Une délégation de la CONAPAC a pu visiter le parc agro industriel de Bukanga-Lonzo  en date du 2 avril 2015.  Les paysans ont constaté le décalage entre ce qui leur a été dit par le Conseiller principal du premier ministre lors de la rencontre du 20 mars 2015 à la FAO  et ce qu’ils ont pu observer et  entendre à Bukanga Lonzo. D’où le dépit du président de la CONAPAC : « On y trouve une culture du fonctionnariat, d’ouvrier et pas tellement entrepreneuriat agricole dans les villages autour de Bukanga Lonzo. Tout a été fait à leur place par le parc. Il s’agit notamment du labour, les semis, cela va jusqu’à  la récolte et la vente. Cela pose la question de la survie du paysan ». 

Les paysans ont aussi déploré le fait que le contrat signé pour le parc agro industriel de Bukanga-Lonzo est d’une durée de 4 ans, mais rien n’est envisagé pour la suite. Car, il s’agit en réalité du projet du premier Ministre  Matata Ponyo et rien ne garantit qu’après lui, d’autres seront prêts à investir, ont soutenu certains paysans. D’une manière générale, le contexte national n’est pas favorable à l’investissement étranger dans l’agriculture. 

Les paysans se posent la question de savoir s’il est opportun d’entreprendre un autre PAI sur le modèle de Bukanga-Lonzo alors que beaucoup de difficultés ont été observées et n’ont pas trouvé de solution. Le cas Bukanga-Lonzo n’était pas le plus problématique, car il s’agissait d’un espace relativement peu peuplé. Qu’en sera-t-il des prochains PAI si ceux-ci s’établissent sur des espaces densément peuplé sans consultation publique. C’est également à ce niveau que les organisations paysannes doivent  intervenir  pour assurer le dialogue.  CONAPAC

Zone d’ombre. 160212 – RDC : les travailleurs de Bukanga Longo revendiquent des contrats stables

Cent quarante travailleurs du centre agro-industriel de Bukanga Lonzo ont été licenciés mercredi 10 février et renvoyés au chômage. Ils font partie de deux-cents vingt-huit journaliers qui ont déclenché un mouvement de grève il y a une semaine, pour revendiquer l’obtention des contrats stables. 

«Nous avons une année et six mois depuis la coupure du ruban symbolique, ils n’ont engagé personne, alors que nous faisons des lourds travaux. Il y a même des gens qui manipulent les produits chimiques sans aucune protection. Nous sommes payés régulièrement, mais ce salaire ne nous permet pas de nouer les deux bouts du mois», a indiqué l’un d’eux à Radio Okapi.

Enquête préalable et évaluation du projet ?

Y-a-t-il eu une étude préalable sur l’impact social, économique, environnemental du parc agro-industriel conformément aux lois ci-dessous ?

Loi n°11/022 – Article 66 L’exploitant agricole industriel produit une étude d’impact environnemental et social avant la mise en valeur de sa concession.

La loi n°11/009 – Article 21 Tout projet de développement, d’infrastructures ou d’exploitation de toute activité industrielle, commerciale, agricole, forestière, minière, de télécommunication ou autre susceptible d’avoir un impact sur l’environnement est assujetti à une étude d’impacts environnemental et social préalable, assortie de son plan de gestion, dûment approuvés. Cette étude est propriété de l’Etat. Un décret délibéré en conseil des ministres détermine les différentes catégories de projets ou activités soumis à cette étude, son contenu, les modalités de son approbation ainsi que la procédure de consultation du public. 

Article 22 L’évaluation et l’approbation de l’EIE ainsi que le suivi de la mise en œuvre sont confiés à un établissement public.
Un décret délibéré en conseil de ministre en fixe l’organisation et le fonctionnement.

Article 23 Le ministre ayant l’environnement dans ses attributions procède à un audit de tout ouvrage, tout projet ou toute activité présentant un risque potentiel pour l’environnement et la population. Cet audit donne lieu à la prescription de toute mesure appropriée de protection de l’environnement.
L’audit visé à l’alinéa 1er est réalisé dans les conditions et suivant les modalités fixées par le décret délibéré en conseil des ministres.

Article 24 Tout projet ou toute activité susceptible d’avoir un impact sur l’environnement est assujetti à une enquête publique préalable.
L’enquête publique a pour objet :

a) D’informer le public en général et la population locale en particulier sur le projet ou l’activité ;

b) De recueillir des informations sur la nature et l’étendue des droits que pourraient détenir des tiers sur la zone affectée par le projet ou l’activité ;

c) De collecter les appréciations, suggestions et contre-propositions, afin de permettre à autorité compétente de disposer de tous les éléments nécessaires à sa décision.

Un décret délibéré en conseil de ministres fixe les modalités de déroulement et de sanction de l’enquête publique.

Je n’ai pas connaissance d’une démarche en ce sens. Qu’en est-il de :

  • de l’exploitation de la rivière pour l’irrigation des 1.000 hectares de légumes et la culture du maïs, l’eau pour l’élevage ?
  • de la dispersion des engrais, pesticides, fongicides et autres « intrant» chimiques dans l’air et l’eau, la rivière en aval ?
  • du traitement des déchets de toute nature ?
  • de la protection des sols, des espèces locales
  • etc.

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